lundi 4 novembre 2013

Ecomouv : le conseil d'État juge et arbitre

Suite au recours de la société Sanef auprès du tribunal administratif et sa victoire en référé, l'État français fait un recours auprès du conseil d'État. La proximité gênante n'a pas été retenue par le Conseil d'État concernant les sociétés carte Blanche Conseil SAS et Rapp Trans AG, sociétés de conseil de l'État français mais également consultant pour la société autostrade qui a permis a la société italienne d'une part de remporter un projet de télépéage poids lourds en Autriche et d'autre part de travailler avec celle-ci sur un projet comparable en Pologne.


Mais le plus étonnant est l'indication dans le jugement du conseil d'État que certains de ces membres ont conseillé le gouvernement durant cet appel d'offres :
"Considérant, d’autre part, qu’au cours de la procédure litigieuse, l’État s’est également adjoint le concours d’une commission consultative créée par le décret du 30 mars 2009 relatif aux modalités d’application du III de l’article 153 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, présidée par un membre du Conseil d’État et chargée de l’assister et d’émettre un avis sur la sélection et le choix des candidats et notamment sur les aspects techniques de leurs offres tels qu’analysés par les conseils techniques ; que, s’agissant des conditions d’intervention de ces derniers, l’article 9 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu par l’État et les sociétés Carte Blanche Conseil et Rapp Trans AG, à l’issue d’une procédure d’appel d’offres ouvert européen, a interdit à ces sociétés, ainsi qu’à celles qui leur seraient liées et à leurs cocontractants, de participer aux côtés d’un candidat, de manière directe ou indirecte, à l’attribution du contrat de partenariat ; qu’enfin, après qu’eurent été déposées les candidatures à l’attribution de ce contrat et qu’eut donc été connue l’identité des candidats, les sociétés Carte Blanche Conseil et Rapp Trans AG ont, à la demande de l’État, signé des engagements de confidentialité leur interdisant de communiquer toute information à un tiers non signataire de ces engagements et d’entrer en relation commerciale avec un tiers qui, dans un domaine ayant un lien direct avec le projet de contrat de partenariat, envisagerait de se fonder sur des informations obtenues dans le cadre de ce projet ; que dans ces conditions, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’en l’espèce l’égalité entre les candidats aurait été rompue par un défaut d’impartialité imputable aux sociétés de conseil technique auxquelles l’Etat a eu recours, le moyen des sociétés requérantes doit être écarté."

La réponse du Conseil d’État est tirée du fait que la procédure serait régulière car l’État était aussi assisté par une commission consultative présidée par un membre du Conseil d’État. Mais alors le Conseil d’État était juge et partie dans l'affaire.

De plus en 2012 Paul Cassia, professeur à l’École de droit de la Sorbonne et membre de l'Institut universitaire de France, avait commenté en ces termes cette décision dans un article remarquable publié dans la prestigieuse revue AJDA du groupe Dalloz "Cette motivation n'est pas convaincante : en pratique, il est impossible de vérifier le respect de l'obligation de confidentialité ; la faiblesse du montant des marchés publics de services passés par les filiales du groupe Rapp avec l'Etat français est une indication inopérante du point de vue du respect du principe d'impartialité ; la circonstance que l'Etat se soit adjoint la collaboration d'une commission administrative indépendante est également inopérante pour évaluer l'incidence des liens entretenus avec les sociétés de conseils techniques sur l'élaboration des conditions de passation du contrat de partenariat ; et l'interdiction faite aux sociétés de conseil de participer, aux côtés des candidats, à l'attribution du contrat de partenariat est évidemment inopposable à leur société mère..."

Voir aussi 
Ecomov : le contrat de toutes les interrogations

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